Contexte
Aujourd’hui, les images et les sons peuvent n’être que calcul immatériel et non plus matériau tangible. Ce que l’on conserve physiquement, ce n’est plus le résultat, mais le processus de calcul qui donnera le résultat. L’œil et l’oreille ne perçoivent plus l’infime décalage nécessaire aux ordinateurs pour calculer les invraisemblables combinaisons de chiffres qui éveillent nos sens. Nous sommes dans une situation de « temps réel ». Le codage et l’algorithme avaient rendu malléable la lumière et le son, la vitesse les a rendus manipulables.
On voit bien alors en quoi le temps réel de la manipulation des images et des sons est l’aspect de la révolution numérique qui concerne directement le théâtre et qui va en bouleverser les pratiques et les méthodes de travail. Le rapport à la matière n’est plus statique, mais dynamique. Le metteur en scène, l’acteur ou le régisseur peuvent commencer d’imaginer « jouer » dans le présent avec des matériaux jusqu’alors inertes. Le régisseur ne travaille plus de la matière, mais une réalité augmentée à l’aide de processus de calcul et de leurs résultats.
Mais le temps réel seul est bien insuffisant. Pour servir la pratique théâtrale et aborder la notion d’interactivité, il faut développer la malléabilité des agencements d’effets temps réel. Cet effort de développement est ce que nous décrivons comme la recherche d’un «temps réel du temps réel».
Enjeux
La pratique théâtrale demande à chaque collaborateur d’un projet de création de développer simultanément des compétences artistique et technique. Ces compétences servent à déployer matériellement et temporellement un environnement en dialogue avec l’acteur, dans l’intention d’une mise en scène harmonisant le travail de plusieurs disciplines (scénographie, lumière, sons , images, etc.).
L’émergence de la malléabilité numérique a permis l’essor d’un travail sur les sons et les images qui tentait de s’adapter aux exigences de la pratique théâtrale. Dans cette tentative, la notion de compétence numérique, i.e. la capacité de manipuler les matériaux par des langages de programmation, est apparue comme complémentaire des compétences artistique et technique.
Quel dialogue entre les compétences technique et numérique en vue de développer des outils, des instruments et des savoir-faire appropriés dans la régie théâtrale? Quels nouveaux métiers ? Quel dialogue entre les compétences artistique et numérique en vue de cerner au plus près les exigences du « temps réel du temps réel » et de les mettre au service de l’art du théâtre ?
L’architecture Moteur/Interface de contrôle
Aujourd’hui, tous les paramètres d’un son ou d’une image sont contrôlables. Face à ce possible vertigineux, comment réaliser souplement et rapidement des agencements d’effets adaptés au plateau de théâtre?
Nous proposons de travailler dans une architecture moteur/interface de contrôle, dans laquelle les préoccupations de fabrication des matériaux sont concentrées sur le moteur et celles de manipulation sur l’interface. Cela permet de construire un outil répondant au cahier des charges suivant :
- utilisable, d’un côté, par des artistes et des régisseurs non spécialisés en programmation, et d’un autre côté, par des artistes-programmeurs et développeurs. Il permet de structurer la complémentarité des trois compétences ;
- complexe pour permettre d’engendrer des environnements esthétiquement intéressants ;
- souple pour s’adapter à une évolution permanente de la création dans le temps des répétitions et engendrer une réalité augmentée interactive avec l’acteur.
Les paramètres du moteur sont combinables sur une interface de contrôle en utilisant des instructions de programmation élémentaires.
Il s'agit alors de manipuler l'interface de contrôle afin de servir l'élaboration d'une forme artistique.
L'article original peut être téléchargé sur :
http://didascalie.net/tiki-download_file.php?fileId=443
Une courte introduction à un exemple de moteur, Mirage, est téléchargeable sur :
http://didascalie.net/tiki-download_file.php?fileId=445